« Moi qui t’aimais » : rencontre avec Marina Foïs et Roschdy Zem
À l’occasion de la sortie du film « Moi qui t’aimais », consacré au couple mythique Simone Signoret et Yves Montand, Marina Foïs et Roschdy Zem se confient sur la portée de cette histoire dans notre société actuelle. Ils reviennent sur le parcours de ces deux stars, sur la complexité de leurs rapports intimes, de leur image publique et de sa résonance aujourd’hui.
Monstres sacrés du cinéma français, connus mondialement, Simone Signoret et Yves Montand ont incarné l’un des couples les plus emblématiques de leur époque. Moi qui t’aimais explore les quinze dernières années de leur relation. Leur amour fut à leur image : flamboyant, passionné et tumultueux. Unis jusqu’à la mort de l’actrice, leur histoire fut marquée par les infidélités répétées d’Yves Montand. Meurtrie par ces liaisons, Simone Signoret a pourtant toujours refusé de se poser en victime.
Marina Foïs : C’est un film qui raconte les quinze dernières années du couple Signoret-Montand. Deux icônes absolues.
Roschdy Zem : Pour ne parler que de Montand, il correspond aussi à ce qu’étaient les hommes à cette époque post-soixante-huitarde, où sociétalement on autorisait, je dirais même qu’on encourageait les hommes à avoir des doubles vies. Aujourd’hui, on mettrait un mot, on dirait : « C’est une relation toxique. » Mais ce serait assez injuste de les réduire à ça.
M. F. : À l’époque, c’était communément admis que c’était la femme qui morflait. Point. En gros. Aujourd’hui, Dieu merci, grâce à une jeunesse qui l’ouvre et qui nous autorise à envisager les choses différemment, ce truc-là est en train de bouger. Pourquoi elle, si forte, grande figure féministe – en tout cas, elle est perçue comme ça –, comment se fait-il qu’elle encaisse autant, qu’elle accepte autant ? Qu’est-ce que ça raconte d’elle ? Est-ce qu’elle est moins féministe ? Est-ce qu’elle est moins moderne ? Ou est-ce que c’est quelqu’un qui est comme tant d’entre nous ? Il y a un gap entre le discours affiché, le courage public et la fragilité intime, la vulnérabilité. Elle s’est battue. Elle en a écrit des livres, elle l’a fait à longueur d’interviews, elle a raconté que c’était ok, que c’était cet homme-là qu’elle aimait, comme ça, et qu’elle avait fait le choix de rester. Elle ne veut pas être une victime. Donc moi je ne vais pas décider à sa place qu’elle est une victime.
R. Z. : Ils traversent les mêmes turpitudes qu’un couple qui vit ensemble depuis trente ans. Donc il y a quelque chose, de ce point de vue-là, d’universel. Forcément, il y a de l’amour, mais l’amour… dans l’amour, il y a de la violence, la violence des mots, les humiliations, ces choses-là. Mais il y a aussi beaucoup de complicité.
M. F. : Trente ans d’amour. Qu’est-ce qu’on fait du désir à l’intérieur du couple ? Et qu’est-ce qu’on fait du désir à l’extérieur ? Pourquoi ce n’est pas plus simple de s’autoriser chez ce couple moderne, indépendant, qui se parle, pourquoi ne pas s’autoriser une vie privée ? Pourquoi se faire souffrir de ça ? Ça ouvre un océan de questions et je n’ai pas toutes les réponses.
R. D. : Montand et moi, nous sommes tous les deux des enfants d’immigrés, de parents déracinés, lui et les années 1930, l’Italie, et moi, mes parents, les années 1960, le Maroc. Je pense que tous les deux à notre manière, on a eu accès à un milieu, le milieu artistique, intellectuel, en se demandant un peu ce qu’on foutait là. Est-ce que quelqu’un va s’apercevoir de l’arnaque qu’on est en train de commettre ?
M. F. : J’en ai plein, des points communs avec Simone aussi parce que je me suis beaucoup projetée en elle puisque c’était mon idole. Mais pareil dans les origines, elle aussi, elle est fille d’immigrés, du nord, juifs, moi pareil. Et le goût du rire, parce qu’elle, elle l’a dit toute sa vie. Moi, mes copains et mes rigolades et Montand elle l’aime aussi pour ça : il la fait rire beaucoup. Peut-être ça aussi.