Start-ups

Adapter les plateformes aux nouvelles technologies et aux attentes des publics, développer une culture numérique dans l’entreprise, en s’inspirant en particulier des méthodes de travail des start-ups - ouvertes, agiles, participatives -, disséminer l’innovation partout dans l’entreprise, voici quelques raisons pourquoi les médias ont tout intérêt à s'associer à des start-ups.

Dans cette démarche, les médias de service public en Europe se trouvent confrontés aux mêmes enjeux : développer de nouvelles expertises, acculturer les équipes en interne, et concilier contraintes des start-ups et exigences du marché public. En mars dernier, les différents partenaires du projet "Sandbox Hub" se sont réunis à Bergen en Norvège pour tirer le bilan d'une année de collaboration face à ces challenges. 

Origine du Sandbox Hub

L'un des éléments déclencheurs de la création du Sandbox Hub (anglais pour bac à sable) est en effet le partage de méthodes et bonnes pratiques de collaboration avec des start-ups entre médias en Europe, en s’associant à des acteurs du privé.

Initié par le groupe de radio-télévision public flamand VRT, qui avait déjà mis en place plus de 100 projets en 4 ans, ce réseau européen d'Open Innovation n’a cessé de grandir depuis sa création. Le Sandbox Hub est financé par la Commission Européenne avec l’UER (l’Union européenne de radiodiffusion) comme partenaire central. L’objectif principal étant de construire un réseau international d’accélérateurs média innovants, permettre aux start-ups locaux de se faire une place en Europe et d’échanger expérience et compétences.

Fin mars, sous la pluie norvégienne à Bergen, se sont réuni donc 14 membres de 9 pays -  VRT et RTBF (Belgique), NPO (Pays-Bas), Sveriges Radio (Suède), France TV, Radio France (France), ERT (Grèce), YLE (Finlande), BBC (UK), RTP (Portugal) et Media City Bergen (Norvège) - pour tirer pendant deux jours le bilan d’une année de collaboration, et pour comprendre les enjeux de l’application de ce modèle chez les différents partenaires dans le contexte de leur écosystème local afin de renforcer la collaboration entre Sandboxes.

Media City Bergen, un hub innovant au coeur des fjords norvégiens

La Media City Bergen, qui a hébergé l’événement, est l'exemple même de cette ouverture souhaitée par l’Open Innovation. Il propose un écosystème parfaitement adapté à l’innovation en regroupant dans un seul et même endroit une 100aine d’acteurs différents : TV commerciale et de service public, médias print, chercheurs de l’Université de Bergen avec un programme de journalisme investigatif, start-ups dans le MediaCube et entreprises innovantes pour travailler ensemble à la fois sur des technologies et des contenus innovants autour des axes stratégiques suivants : Laboratoire de journalisme, Cognitive computing science, Sandbox, Smart content distribution et Media Cube Incubator. L’incubateur de start-ups propose 48 places pour accéder à un programme de collaboration avec les principaux médias sur une durée de 4 mois.

La rencontre des Sandbox Hub européens fut aussi l’occasion de découvrir quelques start-ups hébergées au MediaCube dans le domaine de la publicité, la production vidéo ou encore la production VR accessible à tous. Même si le décloisonnement a ses limites : le media privé TV2 travaille sur des projets technologiques avec la télévision publique norvégienne NRK, mais n’oublie pas pour autant la compétition du côté des contenus.

France tv et les start-ups

France Télévisions était le premier média à rejoindre le Sandbox Hub, notamment  pour poursuivre son objectif d’être “premier partenaire de l’écosystème d’innovation pour porter la modernisation de l'entreprise et renforcer le rôle de France tv dans le secteur de l’innovation”. Avant de participer au Sandbox Hub, France TV avait déjà une longue expérience dans la collaboration avec les start-ups. Depuis 2015, France tv a en effet expérimenté différents modèles de collaboration avec des start-ups, pour tester en 2017 un premier modèle d’accélérateur avec la start-up Newsbridge. L’année 2019 présentera l’occasion d’amplifier ce dispositif et de l’étendre à davantage de services.

Les sujets de la “discorde”

Chaque Sandbox a un focus différent et propose des services différents. Un des sujets qui différencie les acteurs est le process d’innovation en soi : doit-il plutôt reposer sur un modèle de “push” ou de “pull” ? C’est-à-dire est-ce que la start-up a déjà un MVP (Minimum Viable Product) et veut le tester sur un public large (modèle “push”), ou les médias émettent-ils un appel à projet auquel les start-ups peuvent répondre (modèle "pull") ?

Il était aussi question de savoir si les Sandboxes sont le bon terrain pour produire du contenu innovant ou s’il s’agit uniquement de laboratoires techniques. La plupart des médias présents se concentrent davantage sur la technologie, à l’instar de Radio France, dont la direction de l’innovation s’affirme avec le slogan « Penser moins média et plus entreprise tech ». Avec son MediaLab, France tv réunit, de son côté, technologie et contenu en associant profils éditoriaux, gestion de projet et profils techniques dans la conception de projets.

Modèle économique de collaboration

Le Sandbox Hub donne des orientations sur la façon de travailler efficacement avec les start-ups. Chaque acteur les adapte ensuite selon ses besoins et les contraintes légales locales. Tester des solutions techniques et fonctionnelles, encourager le “matching” avec les besoins des équipes opérationnelles sont des activités partagées entre tous les membres. Concernant le modèle économique de collaboration avec des start-ups, la plupart des participants fonctionnent en “closed wallet”, offrant pour seule rémunération un échange de compétences et un accès aux données utilisateurs de l’entreprise, permettant à la start-up de tester son produit dans un environnement industriel en échange avec des professionnels pour adapter leur produit à un réel besoin opérationnel.

Tous soulignent le besoin de changement de mentalité dans les entreprises face aux projets d’innovation : à la SVT par exemple, avec 90% des projets qui “échouent”, c’est à dire qui ne se réalisent pas en production, et seulement 10% des projets testés traduits en produits, les indicateurs de succès se trouvent, pour l'innovation, plutôt du côté de l’apprentissage que du nombre de projets réalisés en prod. La VRT, de son côté, teste ses projets directement en production.  Elle exige un POC avant de collaborer avec la start-up, et teste ensuite le POC pendant 3 mois sur des produits moins "grand public", comme la radio Studio Brussels qui affiche clairement le slogan « We are in bêta all the time ».

Deux jours de discussions riches grâce notamment aux facilitateurs Mick de Valck et Sarah Geeroms de la VRT, qui pilote ce projet depuis ses débuts. Il est crucial pour des start-ups de pouvoir tester leurs produits sous conditions réelles, le tout étant rendu possible avec un support fort du top management pour inscrire l’innovation dans une stratégie d’entreprise.

Ce bilan d'un an de collaboration au sein du Sandbox Hub montre bien les différents états de maturité dans le travail des médias avec les start-ups et un réel besoin d'échange de bonnes pratiques. Avec une réaffirmation concrète de la valeur du Sandbox : l'objectif principal est bien de créer des solutions concrètes pour chaque entreprise média, avec un objectif second qui est la participation à l’écosystème d’innovation en y laissant un impact positif.  

En 2019, le Sandbox Hub sera donc encore plus ouvert, plus ambitieux, et plus collaboratif. Avec un nouveau bilan dans un an.

Pour en savoir plus

Découvrez les projets du Sandbox France tv sur le site Mediaroad (en anglais)