« La Folle Histoire de l’Apocalypse » : l’apôtre Jean fait tapisserie

Découvrez l’histoire et les secrets de la plus grande tapisserie médiévale subsistant au monde. Dans « La France en vrai », jeudi 28 mars à 23.58 sur France 3 Pays de la Loire et sur france.tv.

« La Folle Histoire de l'Apocalypse ». © Viva Productions

Le Moyen Âge : mille ans d’histoire et finalement si peu de vestiges artistiques. Dans le seul domaine de la tapisserie, on estime que seul 1 % de la production a pu traverser les siècles jusqu’à nous. Longtemps oubliée, rescapée de peu d’une destruction irrémédiable, aujourd’hui encore injustement éclipsée par la fameuse tenture dite de la Dame à la licorne (musée de Cluny, à Paris) et par la célèbre broderie de Bayeux, la tapisserie dite de l’Apocalypse, conservée au château d’Angers, est pourtant la plus ancienne et la plus monumentale tapisserie historiée conservée du Moyen Âge. C’est un monstre sacré de 140 mètres de long à l’origine (il en reste 103) sur 6 mètres de haut (il en reste 4,5), 90 scènes, 200 personnages, un univers foisonnant d’anges et de démons, de calamités et de villes détruites, de monstres et de chevaliers dont le sens souvent nous échappe.
À la fin du XIVe siècle, Louis Ier, duc d’Anjou, fils du roi Jean le Bon, frère du roi Charles V et des ducs de Berry et de Bourgogne, prince cultivé et grand collectionneur, en passe commande au marchand Nicolas Bataille. Les images sont réalisées par le peintre Hennequin (ou Jean) de Bruges, d’après un manuscrit emprunté à la bibliothèque de Charles V, puis tissées dans un atelier parisien. C’est un tour de force à la fois artistique et technique : 800 m2 d’une finesse extraordinaire réalisés en sept ans, quand un licier, à l’époque comme aujourd’hui, ne peut guère produire plus d’1 m2 en un mois !

L’annonce d’une ère nouvelle de paix et de félicité

Il s’agit donc rien moins que de transposer en images tissées et à une échelle gigantesque l’Apocalypse, dernier livre de l’Ancien Testament, extrêmement populaire au Moyen Âge. L’apôtre Jean – auquel on attribue traditionnellement la paternité de ce texte –, le dernier survivant des douze compagnons du Christ, devenu presque centenaire et après avoir été visité par un esprit, y livre la « révélation » (grec apokálupsis) non pas de la fin prochaine du monde, mais de celle d’un monde, et surtout l’annonce d’une ère nouvelle de paix et de félicité. C’est donc un message d’espoir qui résonne singulièrement dans une époque de catastrophes et d’effrois. Disparue depuis le VIIIe siècle, la peste ravage à nouveau l’Europe de 1347 à 1352, fauchant un individu sur trois. Depuis 1356, la France est prise dans la guerre de Cent Ans et s’enfonce dans l’instabilité politique et les défaites militaires. Aussi, la tapisserie est-elle parsemée de symboles à double sens ou détournés. Trois montures à têtes de lion renvoient au texte de Jean… mais aussi aux armoiries du roi d’Angleterre. Ici, des ailes de chauves-souris suggèrent l’emblème du Prince noir. Là, un démon couronné et à la barbe fourchue a les traits d’Édouard III et cinq sauterelles évoquent ses fils… Louis Ier lui-même n’hésite pas à se mettre en scène. Non sans arrière-pensée. Depuis la mort de son frère en 1380, il est régent de France et intrigue par ailleurs pour devenir roi de Sicile et de Jérusalem. Le message est clair : le duc se veut un acteur du changement.
Offerte en 1474 par René d’Anjou aux chanoines d’Angers, régulièrement accrochée à l’intérieur de la cathédrale, l’Apocalypse fut victime des changements de mode et du désintérêt pour les tapisseries au XVIIIe siècle. Remisée, abîmée, brûlée pour en récupérer les fils d’or et d’argent, démembrée, vendue par morceaux, oubliée, elle ne survécut que grâce aux efforts acharnés d’un homme, l’héroïque et passionné chanoine Joubert. Aujourd’hui, elle est accessible au public, surveillée, inspectée, étudiée, restaurée par les scientifiques. Une longue exposition à la lumière a quelque peu fané ses couleurs mais ses merveilles et ses calamités, et son message d’espoir, résonnent toujours dans notre époque de catastrophes. Elle vient d’être inscrite par l’Unesco sur le registre Mémoire du Monde.

« La folle histoire de l'Apocalypse »
« La Folle Histoire de l'Apocalypse ».
© Viva Productions

La France en vrai : La Folle Histoire de l’Apocalypse

Réalisée au XIVe siècle à la demande de Louis Ier d’Anjou, la tapisserie de l’Apocalypse couvrait à l’époque 850 m2, présentant 90 scènes illustrant l’Apocalypse selon saint Jean, qui se déroulaient sur 140 m de longueur. À ce jour, 66 panneaux de cette tapisserie ont pu être retrouvés et restaurés, et l’œuvre créée par Hennequin de Bruges au Moyen Âge vient d’être inscrite par l’Unesco sur le registre Mémoire du Monde. Ce film nous replonge dans les origines de la tenture de l’Apocalypse. Des historiens et spécialistes de la symbolique décryptent l’œuvre. Les restaurateurs qui ont travaillé sur la tapisserie livrent également des indices très précis sur l’incroyable technicité de sa réalisation.

Documentaire (2023 – inédit) – Écrit par Frédéric Stenz – Réalisation Nicolas Fauvel – Production France Télévisions et Viva Productions – Avec le soutien de la Région des Pays de la Loire, en partenariat avec le CNC

Diffusion jeudi 28 mars à 23.58 sur France 3 Pays de la Loire
À voir et à revoir sur france.tv

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Publié le 28 mars 2024
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