Un scandale abominable et oublié : Congo-Océan, un chemin de fer et de sang

L’histoire méconnue du chantier pharaonique de cette voie ferrée congolaise, entre 1921 et 1934, demeure un symbole de domination et de violence coloniales. À l’occasion de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition, ce film sélectionné au FipaDoc est diffusé dimanche 5 mai à 22.40 sur France 5 et sur france.tv.

« Congo-Océan, un chemin de fer et de sang ». © Point du Jour/ Les Films du Balibari / ZED

Ce chemin de fer n’est pas construit pour les Congolais.

Zéphirin Kongo Batsi, habitant au km 100

À l’occasion de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition

Remportez le roman « Le Feu des origines » d'Emmanuel Dongala 
(Grand prix littéraire d'Afrique noire)

« Congo-Océan, un chemin de fer et de sang »
« Congo-Océan, un chemin de fer et de sang »
© DR

Le 9 juillet 1924, le gouverneur de l’Afrique-Équatoriale française s’enorgueillit de l’inauguration du nouveau chemin de fer qui relie Congo-Brazzaville à Pointe-Noire. Cinq cent douze kilomètres de voies ferrées après treize ans de travaux dans une nature hostile. Le défi relevé par les ingénieurs, « l’aventure civilisatrice » et les perspectives économiques de cette nouvelle voie d’accès occultent sciemment une autre réalité : le travail forcé, la déportation massive et la mort de milliers d’ouvriers.
Ce film de la réalisatrice Catherine Bernstein raconte, grâce aux témoignages de leurs descendants et aux archives inédites, cet épisode oublié de l’histoire coloniale française. Il en fut pourtant le plus meurtrier, et le révélateur de sa puissance dévastatrice. 

La Case du siècle : Congo-Océan, un chemin de fer et de sang
Pierre Nzaou, habitant au km 109.
© Point du Jour/ Les Films du Balibari / ZED

En ce début de XXe siècle, les grandes puissances européennes qui se sont réparties l’Afrique en 1885, lors de la conférence de Berlin, sont soucieuses d’exploiter massivement les richesses que leur offre le continent.
À la tête de 2 500 00 km2 de territoire, la France se préoccupe de leur acheminement vers la métropole : oléagineux et coton, café et cacao, bois précieux et caoutchouc, or, cuivre et ivoire. Or, de Congo-Brazzaville jusqu’à son embouchure, le fleuve Congo n’est plus praticable. Les Belges, qui occupent la rive opposée, ont déjà développé leur chemin de fer, qui va de Léopoldville, la future Kinshasa, au port de Matadi. En 1921, après des années de négociations, le chantier de la ligne française – qui deviendra le Congo-Océan – est enfin lancé, et va se diviser en plusieurs tronçons.

La Case du siècle
« Congo-Océan, un chemin de fer et de sang ».
© Point du Jour / Les Films du Balibari / ZED

Le plus difficile, qui part de la côte et doit franchir le massif du Mayombe, compte une centaine de kilomètres. Il est confié à la Société de construction des Batignolles : l’Administration coloniale fournira les ouvriers. Mais, rapidement, le recrutement pâtit de la réputation du chantier : dans cette région au climat insalubre et au relief difficile, l’absence de mécanisation, le manque de nourriture et les mauvais traitements sont néanmoins la règle… « Ils ne mangeaient pas à leur faim mais ils devaient travailler, témoigne Ekouasse Oyoukou, fille d’un survivant du chantier. Il y a des gens qui n’étaient pas forts, qui tombaient malades, qui mouraient… » Pour faire face aux lenteurs de l’avancée des travaux, le gouverneur Raphaël Antonetti décide alors, à partir de 1925, d’aller chercher de la main-d’œuvre jusqu’aux confins de la colonie française équatoriale : là où la simple évocation de cette « machine », qui broie ceux qui s’en approchent, provoque aussi la terreur. L’écrivain André Gide, que son voyage en Afrique équatoriale marquera profondément, évoque à son retour le Congo-Océan comme « un effroyable consommateur de vies humaines » : plus de huit mille personnes, entre 1926 et 1928.

Ils ont creusé des tunnels avec des petits marteaux…

Gabriel-Jean Loumbou, habitant au km 162
La Case du siècle
« Congo-Océan, un chemin de fer et de sang ».
© Point du Jour / Les Films du Balibari / ZED

Le journaliste Albert Londres observera lui aussi – un siècle après l’abolition de l’esclavage – les milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, venus de régions sèches, enchaînés et transportés par la force sur des centaines de kilomètres jusque dans cette région humide. « Sur dix kilomètres, le convoi n’était plus qu’un long serpent blessé perdant ses anneaux… On ne comptait qu’avec le temps, et non avec la vie. » Beaucoup de ceux qui arrivent vivants sur le chantier mourront de maladies, d’épuisement ou de malnutrition.
Au cours des treize années que dura la construction du Congo-Océan, on comptabilisera officiellement plus d’une vingtaine de milliers de morts : il y en eut probablement bien davantage…

La Case du siècle : Congo-Océan, un chemin de fer et de sang

La Case du siècle
« Congo-Océan, un chemin de fer et de sang ».
© Point du Jour / Les Films du Balibari / ZED

Documentaire (52 min - 2023) – Auteure Catherine Bernstein – Raconté par Léonie Simaga – Production Point du Jour, Les Films du Balibari et ZED, avec la participation de France Télévisions

Congo-Océan, un chemin de fer et de sang est diffusé dans La Case du siècle dimanche 5 mai à 22.40 sur France 5
À voir et revoir sur france.tv

Dans le cadre de la programmation autour de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, France Télévisions diffuse également : 

Lethière – Le Serment des ancêtres

outremer.ledoc
« Lethière – Le Serment des ancêtres »
© Orthéal

Découvrez le parcours exceptionnel du peintre néo-classique Guillaume Guillon-Lethière (1760-1832) à travers son œuvre la plus célèbre : Le Serment des ancêtres. Né en Guadeloupe d’un père blanc martiniquais, procureur du roi, et d’une mère esclave affranchie, Lethière est principalement connu pour avoir offert, en 1823, à la république d’Haïti, ce tableau emblématique, engagé et révolutionnaire, exaltant la liberté et condamnant le racisme.
Le réalisateur Claude Ribbe vous embarque dans une quête passionnante et inédite à travers le temps et aux quatre coins du monde pour résoudre le mystère qui plane depuis longtemps autour des origines de cet artiste majeur pour expliquer non seulement la mise en chantier du tableau, mais aussi toute une carrière.

Documentaire (52 min) – Auteur-réalisateur Claude Ribbe– D’après son livre Lethière, le Serment des ancêtres – Production Orthéal, avec la participation de France Télévisions

Lethière – Le Serment des ancêtres est diffusé dans outremer.ledoc lundi 6 mai à 23.45 sur France 3 et sur La1ere.fr
À voir et revoir sur france.tv 

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Publié le 03 mai 2024