« Sur le front » s’est intéressé à la fertilité de nos sols

C’est une agriculture dénaturée où les champs subissent traitement sur traitement pour produire nos si précieuses denrées alimentaires. Un système qui appauvrit et malmène nos terres. Pourtant, comme a pu le constater Hugo Clément, d’autres pratiques peuvent se révéler bénéfiques pour la culture et les sols cultivés. « Sur le front : Enquête sur la terre qui nous nourrit » est diffusé lundi 18 mars à 21.05 sur France 5.

« Sur le front : Enquête sur la terre qui nous nourrit » © Winter Productions

Un sol ne se fatigue pas à partir du moment où vous lui laissez une grosse partie de ce qu'il a produit pour s’alimenter lui-même. Si vous produisez toute la biomasse, que vous doublez, triplez la biomasse, mais que vous l’emmenez pour vous en servir ailleurs et que vous oubliez – ça c’est l’oubli numéro un de l’agriculture – qu’il faut nourrir ce sol pour qu’il puisse continuer… eh bien, là, on va à la catastrophe.

François Mandin, agriculteur à Luçon en Vendée et président de l’APAD (Association pour la promotion d’une agriculture durable)

On s’inquiète, à juste titre, de la disparition des oiseaux et de la raréfaction des insectes, mais dans nos terres cultivées en conventionnel, il existe une hécatombe du vivant aussi dramatique. Les vers de terre sont en grand danger, victimes collatérales de l’usage des produits phytosanitaires et de l’appauvrissement des sols. La vie est là sous nos pieds et nous ne nous préoccupons guère de sa santé. En partant du postulat qu’un sol fertile est une terre vivante, on se doit de préserver les organismes qui la composent. Le mieux serait de se passer des produits chimiques et de revenir à des pratiques plus saines et avec moins d’incidence. Certains le font depuis longtemps, d’autres ont franchi le pas plus récemment. En partant à la rencontre de ceux qui ont choisi cette voie, plus respectueuse de l’environnement, et en donnant la parole à ceux qui œuvrent au quotidien pour alerter sur les dangers de l’appauvrissement des sols ou de l’utilisation à outrance des produits chimiques, Hugo Clément nous dévoile les contours d’un monde agricole rattrapé par des années d’excès. Reconsidérer ses pratiques, accepter de faire autrement, avouons-le, cela n’a rien d’aisé. Mais il en va de notre avenir et de notre santé. L’idée avec cette enquête est de montrer (et de démontrer) que des solutions viables et moins nocives existent. Et puis, avec le réchauffement climatique, nous nous devons de repenser notre relation au vivant, à cette terre nourricière proche de l’épuisement. Il est toujours possible d’inverser la tendance, de produire autrement, sans forcément passer au tout bio, pour ainsi rendre à la terre ce qu’elle nous a offert.

L’espèce qui est utilisée dans ces tests, c’est l'espèce qui est absente des sols où sont épandus les pesticides... C’est comme si on testait des médicaments sur des adultes qui seraient destinés à des enfants. Ce que je préconise, notamment dans mes recherches, c’est que les tests, avant l’homologation des pesticides, soient réalisés sur ces vers [vivant dans les champs] qui sont représentatifs et plus sensibles.

Céline Pelosi, directrice de recherche en agro-écologie, écologie et écotoxicologie du sol (INRAE), à propos des tests réalisés par les sociétés produisant des pesticides

Des milliers d’espèces de lombrics

« Il existe des milliers d’espèces de lombrics, et certaines d’entre elles sont radicalement différentes sur le plan biologique. Certaines ont un cycle de vie long, avec un faible taux de reproduction, quand d’autres ont un cycle de vie court avec un taux de reproduction élevé, à l’exemple des Eisenia qui vivent loin des sols, dans les composts et les fumiers. Des détritivores qui se nourrissent de déchets végétaux en décomposition et qui sont classés “épigés” (c’est-à-dire qui vit en surface du sol), à l’inverse de la faune lombricienne (anécique et endogée) qui vit et croît dans la terre et dont certains ne sortent jamais la tête du sol, passant leur vie à s’en gaver. Et de cette terre avalée, ils se nourrissent des microbes, de la matière organique carbonée, et des éventuelles traces de pesticides et autres toxiques. »
Source : Christophe Gatineau pour Marianne

Séquences exceptionnelles

Où sont passés nos vers de terre ?
Nous avons tous appris que les vers de terre sont essentiels dans nos jardins, qu’ils participent à la qualité de notre terre. Nous avons fait des prélèvements en plein milieu d’une terre agricole où l’on s’attendait à ce qu’ils pullulent et nous n’en avons pas trouvé ! Le labour, les engrais, les pesticides, qu’est-ce qui les fait fuir ?

Exclusif : 89 % des sols agricoles français sont dégradés
C’est une carte qui fait froid dans le dos : 89 % des sols agricoles français sont dégradés, selon les scientifiques de la Commission européenne. Biodiversité en berne, érosion, perte de matière organique… Toutes les régions sont concernées.

Enfin un robot pour désherber en protégeant le sol
C’est un débat chez tous les agriculteurs : pour désherber, il faudrait choisir entre labourer profondément la terre (et donc dégrader le sol) ou utiliser des herbicides chimiques. Il existe une autre solution qui ne demande aucun produit toxique et respecte la terre. C’est ce robot électrique : nous l’avons observé au milieu d’un champ de betteraves.

Quand les sols appauvris finissent par disparaître définitivement
Un sol cultivé de manière intensive perd toute sa capacité à retenir l’eau ; il est sec, sans vie, sans structure. Quand des grosses pluies arrivent, il finit par s’en aller sous forme de coulée de boue. C’est pourtant uniquement dans ces quelques centimètres de terre fertile que nous pouvons cultiver nos aliments.

Exclusif : un agent de l’État censé contrôler les agriculteurs dénonce les pressions qu’il subit
Pour protéger les sols, les agriculteurs doivent semer des cultures sur leurs champs tout au long de l’année. C’est obligatoire dans la plupart des régions de France. Nous avions prévu de filmer un contrôle du respect de cette règle avec les services de l’État sur une exploitation. Mais, la veille de notre venue, le préfet a décidé d’annuler notre tournage. Un fonctionnaire de la préfecture nous a expliqué, en off, qu’il préférait ne pas tendre les relations avec les agriculteurs. Il parle d’une « FNSEA hardcore », réprésentante d’une « agriculture tournée vers l’export », et reconnaît que le principal syndicat agricole français fait pression sur les services de l’État censés la contrôler. Dans la foulée, un agent nous a révélé que sa hiérarchie l’incite à ne pas faire de contrôles trop poussés.

Ce que nous avons découvert, tous les agriculteurs le savent bien. Beaucoup se battent pour changer de pratiques. Certains épandent des fertilisants naturels à base d’urine humaine ou utilisent de nouvelles machines pour désherber sans abîmer le sol. Certains agriculteurs conventionnels (qui utilisent des pesticides de synthèse) décident même d’arrêter de labourer pour maintenir un sol vivant en pleine santé.

Hugo Clément, extrait de son édito

Sur le front : Enquête sur la terre qui nous nourrit

Hugo Clément part à la découverte de nos sols : en mettant les mains dans la terre, il découvre que ce n’est, souvent, plus un monde qui grouille de petites bêtes, mais un sol sans vie, sec, une terre qui s’effrite. Où sont passés les vers de terre ? Comment des agriculteurs se battent-ils pour continuer à cultiver tout en gardant un sol vivant ?

Magazine (52 min – inédit – 2024) – Création Régis Lamanna-Rodat et Hugo Clément – Présentation Hugo Clément – Rédaction en chef Pierre Grange – Réalisation Thomas Raguet – Compositeur du générique Studio31DB – Compositeur du film Worakls – Production Winter Productions – Coproduction France Télévisions 

Ce magazine est diffusé lundi 18 mars à 21.05 sur France 5
Sur le front – Enquête sur la terre qui nous nourrit est à voir et revoir sur france.tv 

Vidéo. Pour aller plus loin. Semis de maïs en agriculture de conservation des sols – (Hauts-de-France) APAD