Plongée dans la préhistoire : « Grotte Cosquer, Homo sapiens et la mer »

Sa nature sous-marine est unique et ses figures d’animaux marins sont très rares dans l’art pariétal. La découverte de la grotte Cosquer a ouvert de nouvelles perspectives aux archéologues. Elle témoigne aujourd’hui d’un lien insoupçonné de l’homme préhistorique à la mer et d’une économie littorale. Voyage inédit sur les rivages du temps dans « Science grand format », jeudi 21 mars à 21.05 sur France 5 et sur france.tv.

 

La mer constitue une frontière pour la recherche paléolithique et je pense que certains des plus grands sites nous attendent sous l’eau.

Pablo Arias, archéologue


La découverte de la grotte, par le plongeur Henri Cosquer au début des années quatre-vingt-dix, provoqua une onde de choc dans le monde scientifique. Premier site préhistorique sous-marin, ses parois sont recouvertes de centaines de peintures et gravures et de représentations d’animaux marins qui intriguent les chercheurs. Leur analyse permet trente ans après de mieux comprendre la relation des hommes préhistoriques à la mer – jusqu’ici écartée de leurs investigations – et dessine de nouveaux scenarii de la vie au Paléolithique.

Au milieu des chevaux, des bisons et des fameuses mains : des représentations de phoques et de pingouins. Leur présence inhabituelle stupéfie le monde scientifique. Dans ce qui « devait être l’une des grottes les plus importantes d’Europe », elles soulèvent une question majeure : quelle pouvait être la relation des hommes préhistoriques à la mer ? Un passé maritime souvent nié par les préhistoriens, concentrés sur les modes de vie continentaux.

Un monde englouti

Entre 33 000 et 19 000 avant le présent – période durant laquelle, jamais habitée, elle connaîtra deux pics de fréquentation –, la grotte Cosquer est pourtant située à six kilomètres du littoral. À cette époque de grande glaciation, le niveau de la mer est à cent vingt mètres au-dessous de l’actuel, et le site domine une immense steppe à la végétation rase où courent bisons, cerfs, chevaux et bouquetins. « Les hommes de Cosquer sont comme nous, des Homo sapiens, anatomiquement modernes, raconte l’archéologue Jean-Pierre Bracco. Ils sont nomades et, surtout, prélèvent l’ensemble de leurs ressources sur le milieu naturel. » Or, les périodes d’élévation de niveau de la mer ont englouti ce monde dont la grotte Cosquer a émergé miraculeusement. Le paléoclimatologue Édouard Bard le rappelle : « L’essentiel des archives pour les populations préhistoriques qui étaient installées sur les côtes sont en fait sous l’eau. » 

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Grotte Cosquer, Homo sapiens et la mer
© Antipode

Mais depuis plusieurs décennies, paléontologues et archéologues s’intéressent de beaucoup plus près à ces parties du littoral méditerranéen ou atlantique où ont pu subsister les traces multiples d’une occupation importante des hommes paléolithiques, grâce à une faible avancée de la mer sur la côte. Comme c’est le cas pour la côte sur laquelle est située Cosquer — de Marseille à Gênes — et sur la côte nord de l’Espagne où la densité des sites préhistoriques est très élevée. Ainsi, celui exceptionnel de la grotte Santa Catalina, cachée dans les falaises du Pays basque espagnol, a révélé un registre fossile inédit. « Les fouilles de Santa Catalina modifient radicalement l’image qu’on avait de ces populations, explique l’archéologue Eduardo Berganza. Jusqu’alors on avait toujours cru que les hommes préhistoriques survivaient essentiellement grâce à la chasse et ne pêchaient que très occasionnellement. Or, l’étude de ces vestiges montre que ces peuples préhistoriques consommaient également beaucoup d’espèces marines et qu’ils savaient parfaitement où, quand et comment les attraper. » Ce qui suppose aussi des périodes de sédentarisation à une période où l'on pensait que les groupes du Paléolithique étaient principalement nomades.

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Grotte Cosquer, Homo sapiens et la mer
© Antipode

Grand pingouin et parures de coquillages

Le point commun entre ces sites et la grotte Cosquer est le grand pingouin — espèce abondante aujourd'hui disparue —, dont la figuration dans une parade amoureuse sur les parois est pourtant un cas unique dans l'art pariétal. De nombreux coquillages de toutes sortes ont été retrouvés également : les hommes du Paléolithique les arboraient dans des parures symboliques, la plus emblématique étant sans doute celle de la Dame du Cavillon (Ligurie). Sa chevelure en porte plus de trois cents. Ces coquillages provenant de la Méditerranée ou de l'Atlantique — mais également des dents de cachalot ou des os de baleine — intriguent lorsqu'ils sont découverts à des centaines de kilomètres de leur provenance, et deviennent le fil que tirent certains archéologues pour enquêter sur leur fonction au sein des sociétés préhistoriques.

En Europe, des scientifiques recomposent des géographies disparues. Des préhistoriens interrogent les ressources tirées du littoral. D'autres regardent avec un œil neuf ce que l'on croyait connaître : la connaissance du milieu maritime par l'Homo sapiens est bien plus forte que prévue. Tous dévoilent peu à peu ce lien qui unit depuis des milliers d'années l'homme à la mer.

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Grotte Cosquer, Homo sapiens et la mer

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Grotte Cosquer, Homo sapiens et la mer
© Antipode

Au fond des océans repose une grande partie de l'histoire de l'humanité. Et l’extraordinaire découverte de la grotte Cosquer le démontrait. Lorsque l’explorateur Henri Cosquer y pénètre au début des années 1990, il ne découvre pas seulement une grotte sous-marine, mais un morceau de notre histoire. Elle devait être l’une des grottes les plus importantes d’Europe et les représentations marines sur ses parois ont stupéfié le monde scientifique.

Magazine – Présentation Mathieu Vidard – Documentaire (90 min - 2023 - inédit) – Auteurs Hugues Demeude et Vincent Perazio – Réalisation Vincent Perazio – Production Antipode, avec la participation de France Télévisions

Dans ce magazine, Mathieu Vidard présente le grand spectacle de la science avec des documentaires dédiés aux nouvelles découvertes archéologiques, spatiales et biologiques de notre planète.

Grotte Cosquer, Homo sapiens et la mer est diffusé dans Science grand format jeudi 21 mars à 21.05 sur France 5
À voir et revoir sur france.tv