« DGSE : la fabrique des agents secrets », un documentaire signé Jean-Christophe Notin et Théo Ivanez

Ils ressemblent à chacun de nous. Ils pourraient être votre voisin(e) de palier ou faire partie de vos proches sans éveiller une once de soupçon tant les agents de la DGSE ont vocation à passer inaperçu. Pouvoir, le temps d'un documentaire, les entendre évoquer leur travail sans mettre pour autant en péril leur identité est une occasion unique d'effleurer le quotidien de ces femmes et hommes de l'ombre. « DGSE : la fabrique des agents secrets », à voir mardi 9 avril à 21.10 sur France 2.

« DGSE : la fabrique des agents secrets ». © Kuiv

Aucun grand service de renseignement de cette importance n’avait encore accepté le tournage dans ses murs d’un documentaire d’une telle durée, avec une si grande variété de témoins. Degré de difficulté supplémentaire, jamais la DGSE n’avait autorisé des agents en fonction à s’exprimer avec un tel luxe de détails sur certaines de ses opérations.

Jean-Christophe Notin, extrait de sa note d'intention

Il existe beaucoup d'idées reçues sur le renseignement et les services secrets. Que sait-on ou qu'imagine-t-on savoir ? Si le mystère qui réside autour de ces femmes et hommes de l'ombre est une source inépuisable pour la littérature et la fiction télévisée, est-on pour autant capable de dresser leur portrait sans caricaturer leur fonction ou dénaturer leurs compétences ? Et si, pour une fois, il nous était permis d'entendre leur version. De pouvoir les écouter évoquer leur parcours, leur recrutement, leur fonction. Et ainsi leur permettre de nous donner un aperçu, non exhaustif, de leur vie sous couverture. Cette requête, que beaucoup jugeraient irréaliste, Jean-Christophe Notin et Théo Ivanez l'ont obtenue. Ils ont pu, sous conditions, s'entretenir avec des membres de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) en activité et se rendre au cœur de l'institution, boulevard Mortier à Paris. Jamais nous ne connaîtrons leur identité. Pas plus que nous verrons leur visage. Ce serait un non-sens et un risque certain pour leur sécurité (et leurs missions passées, présentes et futures).

Des missions sous couverture
« La DGSE, c'est un service spécial, c'est-à-dire qu'il a des moyens particulier pour agir à l'extérieur, précise Bernard Émié, directeur général de la sécurité extérieure (de 2017 à 2024). Et c'est aussi un service qui agit de manière clandestine. Cela veut dire qu'il faut que nous inventions, à nos agents, des existences, des légendes, un passé, un métier. Et donc, tout cela, c'est une construction que je qualifierais d'orfèvrerie de la clandestinité. »
On imaginait bien qu'il fallait construire un personnage, ou du moins élaborer une histoire autour d'un individu qui n'existe pas vraiment. C'est vous sans être vous, selon que vous ayez ou non laissé des traces lors de vos séjours à l'étranger, dans d'autres institutions. La construction du futur agent ne s'arrête pas à cette théâtralité du personnage. Apprentissage, mise en situation, entraînement physique font partie de la formation. Tout le monde n'a pas les compétences ou l'appétence pour devenir maître du renseignement ou du contre-espionnage, mais pour ceux qui y parviennent, partir en mission, obtenir des informations sensibles, pouvoir déjouer des tentatives d'ingérence ou d'attentat, remonter la piste de commanditaires d'assassinat, démanteler des cellules terroristes, devient leur quotidien. « À chaque fois qu'on apporte un renseignement très important, quasi stratégique, explique Anne (officier supérieur, contre-prolifération), nos autorités peuvent décider d'en faire quelque chose. Et d'ailleurs, on voit parfois nos autorités aller sur les plateaux de télé pour dire “La France a pu prouver...”, ce genre de choses. On sait que ça va avoir une implication politique importante [...]. Il y a un sentiment de fierté. Le fait que nos conjoints, nos familles ne le savent pas, ce n'est pas gênant parce qu'en fait on a tellement, quelque part, cloisonné notre travail et la famille, que notre famille, elle nous aime pour ce qu'on est et pas pour ce qu'on fait. »

J'essaie d'établir des relations entre certaines personnes, des localisations. À force de suivre ces personnes-là, oui, on commence à connaître leur famille, leurs déplacements réguliers, leurs contacts. S'il y avait des liens entre divers groupes, des attentats qui devaient se préparer, quelconque événement grave ou non, on serait amené à le voir.

Charles, interprète des données techniques

À l'origine, il y eut...

« Le 1er juillet 1940, le général de Gaulle demande à André Dewavrin de créer le service de renseignement de la France libre. L'objectif : disposer de renseignements fiables obtenus en territoire occupé. Jeune polytechnicien de 29 ans, André Dewavrin n’a aucune expérience du renseignement, mais c'est un organisateur de génie. Sous l’alias de "Passy", il met au point une structure inédite, chargée non seulement de recueillir et d’analyser le renseignement, mais aussi de mener des actions clandestines contre l’occupant. Ce modèle intégré, unique au monde, est aujourd’hui encore celui de la DGSE.

... le BCRA
En 1942, le service de renseignement de la France libre prend le nom de Bureau central de renseignement et d’action (BCRA). La DGSE en est aujourd’hui l’héritière.
Les agents du BCRA accomplissent de multiples missions en territoire occupé : sabotage, évasion, parachutage de matériel, constitution et développement de réseaux de résistance. Ils communiquent avec Londres par des liaisons radio chiffrées. Et toujours clandestinement.
Ces actions permettent d’unir la Résistance française derrière le général de Gaulle. Les renseignements obtenus par le BCRA, pour leur part, contribuent grandement au succès des opérations militaires menées par les Alliés. Le BCRA joue à ce titre un rôle important afin de permettre à la France de siéger à la table des vainqueurs. »
Source : DGSE 

 

Pour eux, il s’agissait de parvenir à expliquer qui ils sont, ce qu’ils font et pourquoi, sans compromettre la sécurité d’enjeux nationaux et internationaux. Pour nous, il s’agissait de rendre fidèlement leurs témoignages, sans compromettre la sécurité que leur assure l’anonymat. En somme, parvenir à s’identifier, sans les identifier.

Théo Ivanez, extrait de sa note d'intention

« DGSE : la fabrique des agents secrets »

Dans ce documentaire aux accès exceptionnels, une vingtaine d'agents en activité s’expriment avec une grande sincérité, lors d’entretiens-confessions, savamment orchestrés par Jean-Christophe Notin. Se révèle ainsi au final le plus grand secret de la DGSE qui n’est pas tant ce que ces hommes et ces femmes font, mais pourquoi et comment.

Documentaire (90 min - inédit) – Auteurs Jean-Christophe Notin et Théo Ivanez – Réalisation Théo Ivanez – Montage Alex Cardon – Image Mathieu Kauffmann –Compositeur Vincent Carlo – Production Kuiv – Coproduction France Télévisions, avec la participation de Public Sénat et du Centre national du cinéma et de l’image animée

Ce documentaire est diffusé mardi 9 avril à 21.10 sur France 2
DGSE : la fabrique des agents secrets est à voir et revoir sur france.tv

Pour aller plus loin : DGSE. La fabrique des agents secrets, de Jean-Christophe Notin (éditions Tallandier)

Couverture du livre
© Tallandier